04 mars 2024
AQUI' Brie est en danger et les actions de connaissance et de protection de la nappe du Champigny sont en péril.

Le 01-03-2024

Une nappe phréatique francilienne orpheline

 

La nappe des calcaires de Champigny permet à plus d’1 million de franciliens de satisfaire leurs besoins vitaux, à une centaine d’agriculteurs briards d’irriguer leurs cultures et à plusieurs industriels de mener leurs activités. AQUI’ Brie œuvre depuis 20 ans pour la protéger. Mais aujourd’hui, cette ressource stratégique régionale pour l’approvisionnement en eau potable est en train de perdre ses plus fidèles protecteurs.

 

Un peu d’histoire, quand la nappe n’était pas prise en charge

Dans les années 1990, l’inquiétude montait parmi les usagers de la nappe. A cause des pompages trop élevés et des hivers secs, certains captages étaient dénoyés et ne fournissaient plus d’eau au robinet des habitants. Puis la pollution massive aux triazines (herbicides utilisés par tout le monde) a entraîné la fermeture de nombreux captages devenus impropres à la consommation. Pour répondre à ces crises, un comité des usagers s’est constitué en 1994 avec, entre autres, le conseil régional d’Ile-de-France, les services de l’Etat locaux, l’agence de l’eau Seine-Normandie, le conseil départemental de Seine-et-Marne, les producteurs d’eau... En 2001, pour pérenniser les actions de sauvegarde de la nappe, le comité a créé une structure dédiée : l’association AQUI’ Brie. Ses 30 membres représentent tous les acteurs de son territoire de compétences et usagers de la nappe.

 

Une action efficace dans le temps long

Depuis les débuts, AQUI’ Brie a inscrit son action dans la connaissance scientifique, l’innovation et la concertation. Les hydrogéologues de l’association ont reconstitué la géométrie du réservoir en 3 dimensions, modélisé son fonctionnement, vulgarisé l’état de sa qualité et des pompages dans un tableau de bord, outil indispensable pour tous les acteurs pour gérer cette nappe. AQUI’ Brie a mené la concertation avec les usagers qui a permis en 2009 de définir collégialement une Zone de Répartition des Eaux avec un plafond de prélèvement inscrit dans le SDAGE. Ils suivent la qualité de 46 captages, donnent à tous les acteurs des éléments de compréhension sur les mécanismes de transfert des pesticides, du champ au verre d’eau.

 

Bien avant la loi Labbé, les animateurs ont accompagné les communes dans une gestion de leurs espaces extérieurs au zéro phyto, en multipliant essais, démonstrations, suivis. Aujourd’hui, ce sont 157 communes sur les 221 du territoire d’AQUI’ Brie qui n’utilisent aucun produit (au-delà des exigences réglementaires), et plus de 95% de réduction d’utilisation de phytosanitaires à l’échelle du territoire. AQUI’ Brie a aussi accompagné la SNCF, les golfs, les sociétés d’autoroute, les aérodromes pour limiter leur usage d’eau et/ou de produits phytosanitaires.

 

Depuis 2005, AQUI’ Brie travaille avec les agriculteurs de l’Ancoeur, autour de Nangis, pour diminuer l’impact de leurs pratiques et développer des solutions fondées sur la Nature, comme la zone tampon humide de Rampillon qui a reçu le Grand Prix du génie écologique et est visitée par des délégations du monde entier.

 

Par le Forum du Champigny, ou dans le cadre de Champigny2060, AQUI’ Brie a toujours travaillé en transparence et en collaboration avec tous les acteurs. Les salariés ont tissé des liens de confiance avec une panoplie d’acteurs très différents et aux intérêts parfois divergents (producteurs d’eau, agriculteurs, collectivités, Etat, ...). Les actions d’AQUI’ Brie sont reconnues par ses partenaires, inscrites dans les SAGE, et valorisées aux forums de l’eau et dans toutes les instances de gouvernance (comités ressources, plan départemental de l’eau, etc.).

 

Faute de financements, AQUI’ Brie est en grave danger

Depuis la perte de la subvention annuelle de 200 000 € (plus d’un cinquième du budget) du conseil régional d’Ile-de-France, AQUI’ Brie n’a jamais retrouvé d’équilibre financier et ce, malgré les efforts de certains de ses membres. L’équipe de salariés n’est pas restée les bras croisés : elle a cherché d’autres sources de financement (dans un contexte où les collectivités territoriales n’ont pas totalement pris la compétence eau potable), répondu à des appels à projets, noué de nouveaux partenariats, réduit ses dépenses de photocopieurs ou location de voiture. Aujourd’hui, l’association gère plus de 30 conventions, avec la surcharge administrative, la complexité inouïe et les rapports d’activités distincts que cela induit. Or les subventions publiques sont plafonnées à 80% et les fonds propres de l’association (cotisations des membres et participations financières au Contrat de Territoire Eau et Climat Champigny[1]) ne couvrent pas les 20% de reste à charge. Les aides de l’agence de l’eau sont calculées sur les temps passés par actions aidées (avec un minimum de 110 jours), à l’exclusion des missions de direction et de gestion administrative. Tous les efforts consentis ne suffisent pas.  

 

Et pourtant, il y a encore tant à faire !

Avec l’augmentation certaine, et déjà constatée, des températures, la nappe du Champigny est une ressource stratégique pour l’eau potable : son réservoir souterrain évite l’évaporation et maintient la température de l’eau à 12 degrés. Contrairement aux eaux superficielles directement impactées par le climat, la qualité de la nappe est entièrement liée aux activités humaines, il est ainsi possible d’agir pour la protéger.

 

L’équipe d’AQUI’ Brie est composée de passionné(e)s, qui n’ont jamais compté leurs heures pour répondre aux demandes et impulser de nouveaux projets. Mais elle s’épuise, pressée par les besoins des acteurs et le manque de moyens, alors même qu’AQUI’ Brie est citée en exemple au niveau national. Pourtant les enjeux sont de taille, et les attentes nombreuses : accompagner les maîtres d’ouvrage à gérer leur ressource et à anticiper les difficultés, chercher et tester des solutions pour la nappe face au dérèglement climatique, concerter les acteurs pour éviter les conflits d’usages, mieux connaître les polluants et leurs modes de transfert, végétaliser les espaces, permettre plus d’infiltration à la parcelle, suivre et informer de la réglementation, porter des projets innovants…

 

Si des solutions existent, elles sont entre les mains de ses membres ….

AQUI’ Brie est plus qu’une association de protection de l’environnement, elle est un lieu de dialogue et de concertation entre tous les usagers de la nappe du Champigny. Son expertise permet une gestion quantitative de la nappe transparente, une information de tous les acteurs scientifique et objective, des innovations constantes pour anticiper l’avenir...

 

C’est cette expertise précieuse et l’historique de dialogue, d’écoute et de concertation, construit au fil des années entre les usagers et en confiance, qui sont menacés. C’est pourquoi, nous comptons sur les administrateurs d’AQUI’ Brie qui se réuniront dans les prochaines semaines, ainsi que sur les autres membres et partenaires pour imaginer le futur de l’association avec des financements à la hauteur des missions à accomplir.




[1] Outil de l’agence de l’eau pour encadrer toutes les actions menées pour nappe